BTP : réemployer et créer des emplois

Le réemploi est un enjeu incontestable dans le BTP. En France, ce secteur est le premier producteur de déchets avec, en 2020 et selon l’ADEME (1), 224 millions de tonnes de déchets dont 185 tonnes issues des travaux publics. Selon la Fédération Française du Bâtiment, 85% des 42 millions de tonnes issues du bâtiment, proviennent des travaux de déconstruction et de réhabilitation. Le réemploi est donc un point névralgique du BTP à encourager sur le plan social, environnemental et économique. Car en France, selon l’Institut de l’économie circulaire, le réemploi concernait 600 000 emplois en 2012 (2). Et selon une étude de la Commission européenne la même année, une réduction substantielle de la consommation en ressource naturelle permettrait de créer entre 200 000 et 400 000 emplois supplémentaires. Cette filière en émergence peut donc être vue comme une opportunité sociale qui favorise l’insertion des travailleurs. Elle est une source de partenariats et de développement de la démocratie économique. Prolonger le cycle de vie des matériaux est aussi une solution écologique puisque cela permet de limiter le volume de déchets du secteur mais aussi d’économiser et préserver les ressources planétaires en diminuant leur extraction.

(1) Agence de la Transition Écologique
(2) https://institut-economie-circulaire.fr/wp-content/uploads/2018/01/2015_iec_etude_emploi.pdf

Chiffres clés en Occitanie

• 17 millions de tonnes de déchets par an sont produites dans la région Occitanie.
• Sur ces 17 millions, 11,4 millions de tonnes sont issues du secteur du BTP, soit 67% (moyenne nationale 2020 : 66%).
• Sur ces 11,4 millions de tonnes de déchets du BTP, 10,6 millions de tonnes (93%) sont des déchets inertes c’est-à-dire qui ne se décomposent pas et ne se brûlent pas.
• En 2019, 66% de ces déchets inertes ont été valorisés dans la région Occitanie.
• La Région Occitanie prévoit une valorisation de ces déchets inertes à 80% en 2025

BTP et réemploi : les entreprises de l’ESS innovent !

En région Occitanie, c’est une trentaine d’entreprises de l’ESS qui s’engagent dans le réemploi du BTP. Zoom sur ces entités et leurs projets emblématiques qui ouvrent la voie à une nouvelle économie.

LA GRANDE CONSERVE

« Le réemploi c’est l’activité la plus vertueuse qui soit concernant le traitement des déchets ».
Par Sophie Costeau, co-directrice de La Grande Conserve (https://lagrandeconserve.fr/)

« La Grande conserve a démarré en 2019 dans une ressourcerie généraliste. Et c’est seulement ensuite qu’elle s’est tournée vers le réemploi des matériaux du bâtiment. Aujourd’hui, La Grande Conserve possède une plateforme physique de 2 000m2 où sont vendus les matériaux issus des collectes, d’apports volontaires ou de déconstruction. Nous considérons que ce ne sont pas des déchets mais bien des ressources locales à réemployer. Selon nous rien ne justifie de puiser dans de nouvelles ressources naturelles. Et bien que le recyclage évite l’enfouissement de déchets, il génère un bilan carbone important dû au transport et à la transformation du matériau. Le réemploi est ainsi l’activité la plus vertueuse qui soit car il permet l’évitement des déchets. Dans le BTP, ce secteur est en phase de développement. Et pour l’instant, notre rôle consiste à changer les mentalités auprès des professionnels, mais aussi à changer les normes pour être reconnus dans ce domaine du bâtiment. »

MRBC

« Finalement, on redonne du temps, du sens et de la mémoire. »
Par Yves-Alain Liénart, co-fondateur de MRBC / Mas-Réemploi (https://mas-reemploi.fr/)

« Nous avons monté MRBC en 2019 selon le modèle américain d’un rebuilding center à Portland et d’un rotor en Belgique. En fait, avant cela, je travaillais dans la réhabilitation de bâtiments anciens, je faisais donc du réemploi « sans le savoir ». Chez MRBC, on défend une certaine sensibilité écologique : celle de ne pas continuer à extraire de nouvelles ressources, mais c’est aussi l’idée de moins enfouir, dans des décharges par exemple. Écologiquement en fait, le simple recyclage n’est pas viable. Et lorsque nous avons démarré, tout le monde confondait le recyclage et le réemploi. Depuis, il y a eu une évolution énorme, avec des obligations réglementaires ou des appels d’offres et finalement nous sommes sollicités même par ceux qui ne voulaient pas faire de réemploi. En fait, le réemploi de matériaux on a l’impression que c’est nouveau, mais cela a toujours existé. Seulement on considérait qu’il était plus facile d’importer des matériaux neufs de pays étrangers plutôt que de nettoyer et remettre en état en France. Finalement, on redonne du temps, du sens et de la mémoire. »

VALDÈGE

« L’idée c’est d’être au service du territoire et de ses acteurs. »
Par David Robert, Président de Valdège SAS (http://valdege.com/)

« J’ai créé la société Valdège en 2021 suite à une reconversion professionnelle. J’étais déjà personnellement engagé dans une association depuis 2019 dans laquelle je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup à faire, notamment sur la question du traitement des déchets. Fort de cette expérience, j’ai appris à identifier les manques dans la chaîne du réemploi. A Toulouse, par exemple, il existe peu de plateformes de stock pour les matériaux du réemploi. Mais sur le territoire, il faut aussi identifier les partenaires, des élus ou des professionnels, du bâtiment. Nous voulons qu’un maximum de parties prenantes soient impliquées dans le sujet pour développer différentes dimensions, aussi bien commerciales que d’insertion sociale ou associatives. C’est une réelle dynamique de co-construction collective. L’idée c’est d’être au service du territoire et de ses acteurs. Chez Valdège, nous sommes donc tournés vers le réemploi pour limiter la captation des ressources évidemment, mais aussi avec une dynamique territoriale forte et un impact social important grâce à un volet insertion. »

Mais aussi…

Boudi : économie circulaire et ESS

Boudi (https://www.boudi.io/) cherche à améliorer l’empreinte environnementale de la construction via la création d’innovations circulaires. Boudi est ainsi une entreprise qui place la recherche au cœur de son approche et de son engagement dans l’ESS « Parce qu’il est illusoire de vouloir résoudre les problèmes environnementaux et sociaux d’aujourd’hui et de demain avec les solutions d’hier ou actuelles ».

Suez et sa Maison pour rebondir

Maison pour rebondir (https://www.suez.com/-/media/suez-g...), est un programme Suez créé en 2012 à Bordeaux. Depuis, celui-ci se déploie sur de nouveaux territoires pour « porter des incubateurs d’entreprises » afin de renforcer les alliances locales. Ce programme accompagne les filiales et les partenaires d’insertion de Suez sur le terrain vers le développement de projets d’économie circulaire et de l’ESS.

Caprionis et le réemploi numérique

Caprionis (https://caprionis.com/), est une plateforme de réemploi numérique. La plateforme en ligne R-Place permet ainsi de connecter un large réseau de partenaires, entre l’offre auprès des professionnels et la demande des ré employeurs « pour valoriser les matériaux de façon optimale ».

Naissance d’un pôle du réemploi en Occitanie

Le Pôle réemploi Occitanie est né en 2023, de la volonté de quatre entreprises engagées dans l’économie sociale et solidaire. Portée par SCOP3, plateforme digitale de vente ou don de mobilier de seconde main, Caprionis, plateforme numérique de réemploi dans le BTP, Retouch’Up, entreprise de remise en état des biens d’aménagement d’intérieur, et Écomatelas, réemployeur de matelas. Différentes spécialisations, qui font la complémentarité de ce pôle sur la gestion des ressources. Pour Guillaume Bros, directeur commercial de Caprionis, « on a tous une partie de la solution ». Ce Pôle réemploi vise donc à favoriser dans la région la rénovation et la réhabilitation, notamment dans le secteur de l’hébergement et de l’hôtellerie. Pour ce collectif, « l’objectif est de proposer des solutions globales et complémentaires ». Et le directeur de Caprionis de préciser : « il s’agirait d’être un guichet unique vers des solutions adaptées ». Ces spécialistes du réemploi renforcent donc la coopération entre les acteurs locaux car « l’idéal serait d’avoir un acteur de chaque flux » pour apporter des solutions les plus globales possibles. L’initiative demande de l’échange et de la mise en commun selon Guillaume Bros : « on souhaite montrer comment le réemploi peut transformer le secteur de la construction et embarquer de manière enthousiasmante ses décideurs, ses partenaires et leurs exécutants vers des pratiques responsables et leur donner le réflexe de se tourner vers le réemploi ». Une approche qui cherche à changer les esprits des maîtres d’ouvrages et des professionnels. Et un pôle qui n’aspire qu’à se renforcer pour répondre à une offre complète dans bien des domaines.

A votre rencontre : vos questions sur le BTP et le réemploi

Retour sur la journée du 6 juin 2023, durant laquelle avait lieu, au cœur de la cité Réalis de Montpellier, une rencontre entre 5 éco-organismes et des structures de l’ESS. L’objectif de ce temps de partage, organisé par la CRESS Occitanie et ESS France, était de permettre aux acteurs de l’ESS de rencontrer de nouveaux partenaires pour contribuer au développement du réemploi solidaire.
Les éco-organismes sont des sociétés de droit privé - détenues par les producteurs et distributeurs - pour prendre en charge la fin de vie des équipements qu’ils mettent sur le marché.

Public : « Pour certains, le réemploi dans le textile peut s’apparenter à du lobby pour les marques, qu’en pensez-vous ? »
Re Fashion, éco-organisme spécialisé dans la filière textile : Ce n’est vraiment pas le cas, nous sommes là pour faire bouger les marques. L’objectif est que notre éco-organisme n’ait plus besoin d’exister car grâce à notre accompagnement, chaque acteur de la filière textile aura trouvé sa responsabilité pour activer sa part dans l’économie circulaire.

Public : Avec tous les services que vous proposez, comment sont sélectionnés les gisements qui vont être mis à disposition sur les zones de réemploi ?
Éco-maison, éco-organisme porté sur la collecte, le tri, le réemploi ou encore la réparation et le recyclage de tous les objets et matériaux qui concernent la maison de la construction en passant par les jouets : On se focalise sur la question des débouchés de vente dans les magasins. Il y a tout d’abord un pré tri par les distributeurs, puis les acteurs du réemploi ne viennent prendre que ce qu’ils pensent pouvoir réemployer.

Public : Agissez-vous pour faire en sorte que le réemploi soit une solution pour les particuliers ?
Écosystem, éco-organisme tourné sur les équipement électriques et électroniques ménagers pour les réparer et les réemployer : Oui, et cela passe par différentes sensibilisations, notamment autour du gaspillage. Nous essayons aussi de faire des collectes de téléphone par exemple en faisant le tour de France pour éviter un maximum de déchet.

Public : Comment gérez-vous la manutention du mobilier dans les établissements ?
Valdelia, un éco-organisme qui se charge de la collecte des déchets du bâtiment, des éléments de décoration textile et du mobilier professionnel, pour permettre un réemploi, une réutilisation ou du recyclage : « La manutention n’est pas comprise dans notre service. C’est aux professionnels de financier cette phase. L’idée c’est que tout soit au maximum cadré. Avec Valdelia c’est très clair, c’est en pied d’immeuble, sinon, c’est une prestation. On sensibilise sur le fait que tout doit être rémunérant. Le don n’est jamais gratuit.

Public : Comment rémunérez-vous, vos distributeurs de matériaux ?
Ecologic, éco-organisme qui gère la fin de vie des appareils électriques et électronique mais aussi d’articles de sport et de loisirs et de bricolage et jardin. On fonctionne à la tonne, donc c’est clair, plus c’est lourd, plus ça paye. Plus vous massifiez, plus on paye à la tonne.

Rencontre autour de l’éco-organisme Eco-maison

Rencontre autour de l’éco-organisme Valdelia

Le réemploi dans le BTP : une question d’accompagnement

Se tourner vers le réemploi dans le monde du bâtiment, c’est intégrer pleinement les concepts d’économie circulaire et d’écologie dans le fonctionnement de son entreprise. Une pratique utile et qui a fait ses preuves, mais qui nécessite un accompagnement complet pour être mené à bien.

« Le meilleur déchet, c’est celui qu’on ne produit pas ! » L’adage bien connu des adeptes de la prévention des déchets touche de plus en plus le monde du bâtiment. Car dans le BTP aussi, se tourner vers le réemploi peut être synonyme de santé financière pour son entreprise. Une pratique bénéfique, mais qui nécessite d’être convenablement accompagné.
Du côté de l’ Occitanie, la Région s’engage dans ce sens, avec plusieurs outils, à commencer par « Envirobat , un observatoire et un centre de ressources dédié au BTP qui développe tout un travail sur le réemploi dans le BTP avec des formations, des groupes de travail, des rencontres, des mises en relations entre acteurs », comme le décrit Prisca Giraudo, chargée de projets économie circulaire, qui précise néanmoins que la Région ne s’arrête pas là : « Il y a différents types d’actions qui sont faites dans ce domaine précis. Au niveau du service « déchets et économie circulaire » dont je fais partie, nous avons mis en place plusieurs dispositifs d’accompagnement. Nous soutenons aussi bien des associations que des entreprises, et on étend cet appui vers des collectivités également. Nous avons également dans un second temps ciblé des structures d’accompagnement économique sur le territoire, à qui nous apportons de l’information. Le but, c’est que ces acteurs économiques maîtrisent à la fois les enjeux et les démarches de l’économie circulaire et qu’ils soient susceptibles eux-mêmes d’apporter un accompagnement ou d’orienter vers le réseau le plus adapté. »

Un accompagnement précis

La Région, via la mise en place de différents réseaux, vise à inciter les entreprises à demander un accompagnement adapté à leur situation particulière sur un des axes de l’économie circulaire. De plus, la Région a également participé au lancement de la plateforme Cycl’op, qui vise à mettre en réseau le monde de l’économie circulaire en Occitanie.

Pour la pépinière REALIS, le réseau est également un moyen d’accompagnement important : « Notre mission est d’accompagner les entreprises engagées dans une implantation durable sur le territoire. Nous avons un rôle clair de facilitateur, de mise en lien entre entreprises ou entre autres acteurs, le but est de créer du lien », explique Camille Massol, responsable, « Le réemploi est une thématique importante, et plutôt récente. Il y a dix ans, nous n’avions pas d’entreprises accompagnées dans ce secteur-là, indique Muriel Chimbert, chargée d’affaires au pôle REALIS. Dernièrement, nous comptons beaucoup plus d’entreprises tournées vers ces questions et c’est pourquoi nous développons aussi des moyens de mise en relations dans ce domaine. L’objectif est de favoriser l’échange et le réseau. Outre ces mises en relation, qu’on continue de mettre en place, nous sommes en contact également avec les acteurs, pour les tenir informer sur l’actualité du réemploi dans le BTP. En juin dernier, la CRESS a par ailleurs organisé à REALIS une manifestation autour de la rencontre des éco-organismes, une réussite : « Bien que le domaine du réemploi dans le bâtiment ne soit pas encore un secteur complète-ment développé, nous avons informé les entreprises de cette manifestation, et elles ont large-ment répondu présent, reprend Muriel Chimbert, elles ont pu rencontrer des éco-organismes sur place et s’informer, nous en sommes très satisfaits. »

Des questions ?

Plusieurs acteurs peuvent déjà vous orienter :

  • Envirobat Occitanie, association professionnelle régionale, propose un programme dédié au réemploi : R-Occi, avec par exemple un catalogue des formations au réemploi ou un Défi du Réemploi dans la Construction.
  • Enviro’micro est un podcast lancé par la même association : « l’émission de ceux qui réduisent leurs émissions ».
  • La CRESS Occitanie pilote un appel à projets - L’ami ec’o -sur l’économie circulaire (dépôt de candidatures clôturé)
  • La Région Occitanie a lancé en 2023 un budget participatif sur le thème du climat, des ressources et de l’alimentation qui sera bientôt soumis au vote des citoyens (https://jeparticipe.laregioncitoyen...)
  • Cycl’op, plateforme de l’économie circulaire en Occitanie, qui regroupe différentes « communautés » thématiques dont une dédiée au BTP.
  • Programme La Place porté par France Active MPA Occitanie en partenariat avec Synethic dont l’objectif est d’accompagner les entreprises du territoire, notamment de l’économie sociale et solidaire à la réponse en groupement sur des marchés publics, en délivrant des outils et méthodes de coopération pour les acteurs du territoire : Accompagnement des dynamiques collectives d’entreprises